L'HOMME ET LA MER
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir, tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur,
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes ;
O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié, ni remords,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
O lutteurs éternels, ô frères implacables !
Charles Baudelaire
(Les fleurs du mal)
Quand la Mer se déchaîne !...
Que la mer est belle avec ses blancs moutons !
Mais soudain, elle se change en mégère impromptue :
Fantastique et sublime, semblable à mille démons
Qui fondent sur les maisons et font trembler les nues !
Dans un ciel assombrit, déchiré par l'éclair,
Le vent et le tonnerre font plier les grands arbres,
Ballottant les oiseaux qui cherchent un repaire.
Neptune et Jupiter, ont réuni leurs armes !
L'homme seul, au milieu des éléments déchaînés
Doit lutter pour sa vie et sauver son bateau,
Face aux furies infernales si déterminées,
Qui veulent à tout prix : l'emmener au fond des eaux...
Pauvres marins luttant contre : vague et orages,
Il vous reste " un ami - un guide sur la terre "
Debout sur les rochers, tout au bord du rivage,
Un ange solitaire scintille dans les ténèbres.
Seul, Stoïque, le gardien de phare - coupé du monde,
Assume et reste là... pour que les autres vivent !
Harcelé de milliers de lames qui l'inondent,
L'encerclent, l'agrippent et meurent en vaines offensives !
Là où finit la terre, la mer a son royaume !
Belliqueuse : elle monte jusqu'au toit des maisons
Elle envahit les quais, et roule sur les chaumes,
Bousculant sur la digue les curieux de saison.
Le port avec ses rues sont recouverts d'écume,
Comme en pleine montagne, on marche dans la neige !
La mer est mécontente et montre sa rancune,
Mais les vieux loups de mer, connaissent bien son manège !
Déesse irascible, elle veut des sacrifices...
En sortant de son lit, comme une amante cruelle,
Elle emporte avec elle les meilleurs de nos fils !
Mais qui oserait dire : que la mer n'est pas belle ?...
Jean-Claude Brinette